SUR LA TRADUCTION

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« Dans un monde qui parfois se ferme comme un poing, où l’autre apparaît plus souvent comme une menace que comme un prochain, la traduction garde, je le crois profondément, son caractère humaniste. Traduire, c’est refuser l’enfermement dans une langue, une vision. C’est accueillir une langue dite étrangère, c’est lui faire une place en lui donnant la meilleure chambre, comme les règles de l’hospitalité l’imposent. C’est se faire le messager clandestin et invisible d’un texte, d’une voix, quand les frontières se dressent. Traduire, c’est créer un espace de libre circulation où nul ne peut réclamer de passeport aux mots ni leur refuser un droit de séjour. Je ne saurais expliquer à quel moment un mot traverse d’une rive à l’autre dans ma tête mais je sais que c’est pour moi une sensation merveilleuse et nécessaire, une seconde de joie, d’accomplissement, de clarté. J’ai découvert ce poème de Mourid Barghouti il y a deux semaines sur le mur Facebook d’une amie israélienne. Il a été écrit en arabe, quelqu’un l’a traduit en anglais et un certain Eli Eliahu l’a traduit en hébreu.

Ce qui nous séparera, ce sera la langue, et ce qui nous réunira, ce sera la langue… »

 

Valérie Zénatti