Salim est à Carcassonne… On ne l’entend plus rire dans les rues du village. Enfin, il reviendra sûrement à la prochaine fête, mais là, avec sa sœur, il est allé s’installer dans une HLM de la Préfecture audoise : comme à peu près tous les syriens qui, en ce moment, arrivent à rejoindre la France – ils sont très peu nombreux -, il a obtenu rapidement des papiers qui lui permettent de rester.

Dans la courte histoire du Centre d’accueil des demandeurs d’asile de Lagrasse, il y a toujours eu des personnages plus populaires que d’autres. Chez les migrants, les réfugiés, c’est comme chez les chauffeurs de taxis ou les collectionneurs de capsules de bouchons de Champagne : il y a des gens très sympathiques, des râleurs, des rigolos, des égoïstes, des gens prêts à se mettre en quatre pour aider les autres, des voleurs ou des types qui vous donnent leur chemise. C’est évidemment aussi une chose qui rend particulièrement stupide toute généralisation.

Salim, lui, fait partie des bonnes pâtes, curieux des autres, rieur…

A Moadamia, près de Damas, Salim a vécu des années heureuses, comme n’importe quel enfant. Pour tous les gosses de la terre, l’insouciance est un mot qui se vit avant de se penser. On vit là, dans une maison, avec des gens qu’on aime, et rien ne peut vous arriver.

Au sortir de l’enfance, Salim a commencé à percevoir les nuages. Puis la guerre est arrivée. Au tout début, c’est dans la voix de sa mère, une inquiétude dans ses yeux, qu’il a senti venir le danger. Puis les bruits, la fureur et la peur. De son village, aujourd’hui, il ne reste rien…

« Les accrochages en Syrie entre armée libre et armée régulière touchent chaque jour un quartier différent. Ce vendredi, c’est le quartier de Moadamia situé au sud-ouest de Damas qui est visé par les combats. La capitale syrienne est coupée en deux, avec au milieu : un centre ville ultra-sécurisé où les Damascènes tentent tant bien que mal de poursuivre une vie normale. Et de l’autre une périphérie d’où s’élèvent continuellement des colonnes de fumée noire causées par de violents bombardements et d’intenses combats. » (RFI, 6 septembre 2013)

La Grèce, comme un paradis. Mais le voyage doit continuer, qui réserve encore des surprises, mauvaises et bonnes. Des rencontres, plus ou moins sympathiques… Mais Salim a deux choses indéfectiblement gravées au plus profond de lui : le sourire et l’espoir.

Un jour, enfin, Salim est arrivé à Lagrasse… « Je me suis dit, c’est beau mais c’est calme ! On était en plein hiver, il faisait très froid et il n’y avait pas grand monde dans les rues. Toutes les boutiques étaient fermées. On s’est rendus au CADA, et l’atmosphère était très étrange : tu as beau trouver l’endroit superbe et cool, quand tu as l’habitude de vivre en ville, tout ça est un peu nouveau pour toi. C’était beau mais quelque chose était étrange, on était habitué au bruit, à la foule des grandes villes…
On a défait nos sacs. Au bout de deux jours on a eu la télé, on s’est installés dans l’appartement. Je suis allé me promener dans les rues de Lagrasse et j’ai commencé à croiser des gens et je me suis habitué à aller vers eux, à parler, même si c’était avec quelques mots d’anglais ! Après, j’ai découvert les paysages autour du village, c’est vraiment très beau. Et aller me promener le long de la rivière est devenu comme un sport pour moi…«